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5 mai 2011 4 05 /05 /mai /2011 01:24

 

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Léché à l'aveugle - Enki Bilal

 

 

 

                           
 

 

 

 

Chap 6: Follow the Sign

 

 

  ........

   A la sortie de la forêt, son cheval devint nerveux et se mit à hennir et à piaffer. Avec quelques instants de retard sur l'animal, l'odeur lui envahit la gorge. Scrutant les alentours, il aperçut les restes d'un bivouac.  Méfiant, il sorti son épée et se rapprocha. Un cadavre, à moitié brûlé, jonchait le sol. Sa tête reposait au milieu d'un tas de cendres encore incandescentes répandant une odeur de chair brûlée écœurante. Il descendit de cheval, s'approcha et retourna le cadavre. L'odeur. Violente. Le métal d'un carreau d'arbalète dégoulinait le long des orbites nettoyées par les flammes. L’œil, remplacé part un charbon ardent, donnait l'impression que le cadavre le regardait de par delà l'enfer. Il suffoqua et toussa.

Il reconnu les armes d'un des chasseurs qu'il avait croisé au bourg voisin. Les traces de trois autres personnes partaient dans des directions opposées. Par contre celles des chevaux venaient toutes du même endroit. Il décida de suivre la piste des animaux. S'ils venaient tous de la même direction, il avait une chance de remonter jusqu 'au campement principal. Il pourrait toujours signaler la mort de leur compagnon aux autres. 
 
Avant même d'arriver, il comprit que le camp était vide. Ni feu ni bruit. Des marques de combats étaient encore visibles: traces de sang, cadre de séchage à terre. Des carreaux d'arbalète jonchaient le sol, les mêmes que celui du premier campement. A l'écart, les restes d'un bûcher continuaient à fumer. Des os humains étaient mêlés aux cendres. Il dénombra cinq crânes. Quelque chose clochait. Les empreintes n'étaient pas assez nombreuses. Cinq hommes étaient morts, un combat s'était engagé et pourtant il ne comptait que onze paires de pas alors qu'une telle hécatombe supposait plusieurs hommes. Onze paires dont une de la taille de celle d'un enfant. Troublé par ce détail, il retourna à son cheval. Il n'avait plus rien à faire ici. 

        Il décida de rejoindre une de ses anciennes bases de chasse pour la nuit. Il était trop tard pour retourner en arrière.  
  
Au détour d'un vallon, il aperçut une superbe Frison attaché à un arbre. Comme tous ceux de sa race, il était relativement massif et avait une robe noire et de longs crins magnifiques. Il sortie de nouveau son épée, mis pied à terre et s'approcha. Le cheval appartenait peut être à l'enfant ou à un des chasseurs. L'animal se mit à hennir en l'apercevant. Il était presque parvenu à sa hauteur lorsqu'il buta sur quelque chose.
 
L'enfant était allongé dans la neige, emmitouflé dans un manteau blanc. Dans la pénombre il ne l'avait pas vue. Il se pencha sur le corps et remarqua le piège à loup qui lui emprisonnait la cheville. Il s'agenouilla et rabattis la capuche pour lui dégager le visage. Ce n'était ni un des chasseurs, ni un enfant qui gisait dans la neige mais une femme. Son visage était d'une pâleur mortelle et sa peau commençait à devenir cireuse. Il chercha son pouls sans succès. Il approcha son épée de ses lèvres. Un léger souffle embua la lame. Elle n'était pas morte mais en hypothermie. 
 
Un cadenas fermait la chaîne. A l'aide d'un poinçon, il s'attaqua  à la serrure. Il lui fallut une petite poignée de minutes pour en venir à bout.  Une fois son travail achevé, il se releva et se dirigea vers le cheval de la femme. Il le détacha et noua les rennes aux fontes de sa selle. Puis il revint près du corps, le chargea sur son cheval et monta en croupe pour le maintenir. 

Arrivée à l'entrée de la grotte, il la déposa dans la neige afin de  la maintenir en hypothermie. Il se servirait de son état comme anesthésique et éviter une hémorragie quand il ouvrirait le piège. Mais avant tout, il devait faire un feu et aménager un lit afin de pouvoir la réchauffer au plus vite après l'opération. Il avait l'avait installé un peu à l'écart du feu. Il devait la réchauffer doucement et ne pas exposer sa peau à une source de chaleur trop directe. Un réchauffement trop rapide risquait de créer un refroidissement plus intense, par réaction physiologique, et donc la mort.  

Il retourna auprès d'elle et commença par découper la botte afin de se faire une idée de la blessure. L'épaisseur du cuir, la tige de maintien et l'épaisseur de la fourrure, avaient limité les dégâts. La chaire était entamée mais l'os n'avait pas été touché. Il desserra le piège, nettoya et recousue la plaie. Elle n'avait pas cillé ce qui l'inquiéta. 
  
Il la transporta à l'intérieur, l'allongea sur le lit, lui ôta ses vêtements humides et  la recouvrit de fourrure pour la réchauffer. Il était tenté de la frictionner mais il attendit patiemment que sa peau retrouve un semblant de coloration. IL ne voulait pas risquer de créer des lésions en frottant des parties où des engelures auraient pu se former. De cireuse, sa peau devint simplement pâle. Il commença alors à la masser avec précaution jusqu'à ce que ses joues reprennent quelques couleurs. Il la recouvrit de nouveau et se leva. A présent il ne pouvait rien faire d'autre qu'attendre.
 
Il sortie de la grotte pour s'occuper des chevaux. Pendant à la selle de la femme, il remarqua un carquois. Il l'ouvrit. Des carreaux d'arbalète. Nul doute possible c'était les même que ceux qui avaient tué les chasseurs. Il referma le carquois et retourna dans la grotte. Il s'approcha d'elle. Son souffle était faible mais régulier. Il la dévisagea.

 


Il installa son lit de l'autre coté du feu. Par prudence il avait enlevé tout ce qui pouvait servir d'armes et se coucha son couteau à la ceinture et son épée à ses cotés. Ce soir il ne dormirait que d'un œil.
Plusieurs fois dans la nuit, il vérifia si elle respirait toujours. Au matin, il profita de son sommeil pour aller chasser. Tout indiquait que les traces de pas qu'il avait pris pour celles d'un enfant étaient les siennes ainsi que les carreaux d'arbalètes qui avaient tués les chasseurs. Pourquoi? Pourquoi avait elle tué autant d'hommes?

         

 

 


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